Consommer. Et oublier le
temps, le plaisir, ne plus savourer. Consommer. Entendre sans
écouter, ne plus tendre l'oreille, s'encombrer d'un fond sonore sans
paroles, sans mots, sans fond. S'encombrer d'un son. Consommer.
Devant la multiplicité des possibles, toujours chercher mieux, sans
vraiment savoir ce qu'on cherche en réalité. Consommer. S'éprendre
d'un morceau et le laisser dans l'oubli, lui préférer son
contraire, meilleur, moins bon, différent en tout cas. Prendre,
entendre, jeter, oublier. Consommer. Ou bien... ou mieux :
Ne pas consommer. Prendre
le temps de savourer. De décortiquer les sons. Se délecter de l'air
caressant le cuivre. Trembler au contact de la baguette sur la peau
tendue d'une caisse claire. Ne pas consommer. Désirer le morceau
suivant ou se plonger dans le son présent, mais rester dans un seul
univers, un seul album, simplement parce qu'il est trop bon. Ne
jamais zapper, ne jamais trancher une piste en plein milieu du
groove, ne plus consommer. Goûter à la qualité sonore instantanée.
D'un funk jouissif sans paroles, qui nous laisse sans voix. Se
laisser aller à la danse, à la transe, ressentir la musique dans
tout son corps, la laisser s'écraser en nous, nous posséder. Ne
plus maîtriser ce qu'on écoute, laisser la musique nous contrôler.
Il est parfois bon de
sortir des sentiers battus, de ses propres habitudes d'écoute.
Passer la frontière des genres - la curiosité en bandoulière -
débouche souvent sur de belles surprises.
Les Polonais de Riverside
ont frappé juste pour me happer dans leur métal progressif, tout
instrumental, aux envolées électroniques comme volées à un film
contemplatif. De ce double album (à la superbe pochette), émane de
la mélancolie, ou peut-être du spleen, en tout cas de la tristesse,
la tristesse énervée d'un groupe qui perd l'un des siens (le
guitariste Piotr
Grudziński).
Sur le premier album, la
formation rock brille. La place est faite aux guitares, à la
batterie, chaque piste prend son temps... Nous sommes tout près du
post-rock et tout près des étoiles. Les deux parties de « Night
Session » sont des bijoux d'émotion brute, brillant d'un jazz étonnant
qui s'invite dans notre envolée vers les cieux.
Le second album
s'électronise. Plus nerveux, il est aussi plus figuratif : sur
« Sleepwalkers » ou « Promise », on se fait
des films, on visualise des scènes, on imprime notre propre bobine
interne d'images suscitées par la musique.
A écouter, qu'on aime le jazz ou
plutôt la soul, qu'on leur préfère le rap ou même l'électro,
qu'on soit pur rock ou cœur folk, qu'on se délecte de la complexité
classique... Peu importe vers quoi vous mènent vos oreilles, pourvu
que votre cœur vous porte un jour jusqu'à Riverside.
Question de niveaux, de compétences, sans hiérarchiser, juste de différences :
Certains chercheurs d'or passent leur vie à dénicher des pépites parmi la boue et nous les travailler, nous les présenter sous un nouveau jour et nous émerveiller devant le fruit que la terre à produit. D'autres, construisent des châteaux de sable en plein désert, et deviennent de véritables orfèvres du sable.
Christian Löffler, lui, préfère le sable. Indéfinissable, tout comme sa musique à laquelle il n'a jamais dérogé depuis ses début, ce DJ allemand de 31 ans construit des forteresses de son. Mêlant de la musique électronique minimale, des voix, des nappes de graves, et des sons qu'on jurerait réels (J'ai cru qu'on avait frappé à la porte de mon appartement), il crée. Sans être ni trop spatiale ni enchaînée à la terre ferme, l'ambiance nous change littéralement de dimension pour qui fermera les yeux à l'écoute de son album Young Alaska. Les effets stéréophoniques sont littéralement omniprésents, toujours avec justesse, restant dans la surprise et sans jamais s'enfermer dans le bizarre.
Un bijou qui s'écoute à tout moment de la journée, comme une porte grande ouverte vers l'évasion intérieure ou juste pour percevoir le monde différemment au travers de sa musique.Un album à savourer, seul ou dans le partage, pour réfléchir ou se poser, un véritable coup de cœur depuis sa découverte.
Pour
moi, le R'n'B c'est Aaliyah, Usher, voire même The Weeknd. C'est
toujours un peu sexy, gorgé de yeah yeah sensuels.
Aujourd'hui, j'ai
découvert la fêlure du R'n'B, son côté frêle, sa part d'ombre.
Le R'n'B pur, quasi organique, avec cette voix sans retouches qu'on
avait déjà super adorée dans le featuring sur le morceau « A
Light In The Addict » d'Action Bronson, cette voix qui nous
chante à l'oreille, intime. Le Canadien Alex
Fleming redéfinit le R'n'B, au plus proche des émotions, à fleur
de peau. Parlons du titre « Nothing Else »... On en
ressort comme d'un film de Dolan, chamboulé, heurté par les
sensations, par les émotions brutes. Moi, j'en chialerais tellement
c'est dans la peau que se ressent chaque fréquence, chaque mot,
tellement c'est dans le corps que se dispersent la voix et les notes.
Tant c'est en nous et pour nous qu'il chante.
A
écouter, simplement à écouter. Quand on est seul, pour partager ce
moment en tête à tête avec la musique. En tête à tête avec
soi-même.
Quelques chœurs nous accueillent, une grosse caisse et sa ligne de basse viennent paver la voie.
C'est une ouverture tout en intimité qu'est la première piste du dernier album de Leonard Cohen, à l'image de tout l'album. Une intimité qui interroge quand on sait que l'homme avait 82 ans, et que l'album commence avec "I'm ready my lord" en guise de refrain d’accueil.
Leonard Cohen a disparu le 7 novembre 2016, mais il nous laisse une dernière leçon, un dernier exemple.
De comment tutoyer la mort ; comment la faire sienne, celle qu'on ressent, mais dont la présence ne nous dérange pas ; comment apprendre à danser, sans regrets ni amertume sur la vie passée. La mort, cette métaphore construite à l'image des mélodies, mort d'une idée ou mort d'un amour, en lui donnant des airs de blues, des voix d'anges, de l'espoir et l'assurance d'une voix des tréfonds signée Cohen, magnifiée par une prise de son d'un artiste qui sait ce qu'il veut, après une vie en musique.
Leonard Cohen a disparu une semaine après la sortie de cet album et entre, forcément, parmi les légendes de la musique.
5 à la semaine fait sa rentrée, et le plein de son par la même occasion ! Cette semaine, voici les titres qui nous ont fait vibrer un peu plus fort que les autres, ICI.
Too Many Zooz - Warriors
Too Many Zooz - Tricerahops
Too Many Zooz - Havana Banana
Parov Stelar - All night
Parov Stelar - You got me there
Parov Stelar - The beach
D'après "L'Infini" - The Ridge de Sarah Neufeld
D'après "L'Infini" - In your wild garden de Josefine Cronholm et Ibis
D'après "L'Infini" - Primavera de Ludovico Einaudi
On ne sait rien de
Society. Qui est ce groupe de pop-rock à la musique magnétique ?
A qui appartient cette voix étrange, comme perdue dans les limbes et
qui appelle du fond, de tout au fond du monde ? Cette voix qui semble
demander de l'aide, une main tendue, enfermée dans des mélodies qui
se répètent à l'infini (« commiseration »). La
discrétion du groupe est séductrice, elle laisse place à
l'imagination, au fantasme et surtout au lâcher prise : c'est
une écoute neuve comme une première fois. On ne sait rien d'eux, on
n'attend rien d'eux et ils ont ainsi toute la liberté de nous
émouvoir avec leur rock élégant (« will to win »), de
nous surprendre avec des airs trip-hop (« 14 hours ») ou
de calmer le jeu avec des morceaux tout simples aux guitares dénudées
(« closed eyes »). C'est sans bruit que Society passe
dans le paysage musical de cette année, alors sachez le dénicher
dans un coin du ciel et envolez-vous 48 minutes avec All that we've
become. A écouter : par temps de rage, pour calmer la tempête et adoucir les mœurs.
Tout comme l'esprit, la musique s'accorde parfois des petits moments d'évasion. Des petits moments qu'on peut tous situer précisément à l'annonce d'un genre musical, suspendus dans une époque désormais révolue.
Des passades douloureuses (on a encore en mémoire les six mois de "tektonik", ou l'année un peu longue et inégale du Dubstep) mais aussi des coups de cœur comme la vague électro-swing dont je vais vous parler.
A une époque où les ténors du genre s'appelaient Caravan Palace, Parov Stelar (de son vrai nom Marcus Füreder), un DJ Autrichien, est arrivé à point nommé pour prolonger la vigueur d'un genre vite répétitif. L'album que j'aborde aujourd'hui s'appelle "The Princess", et comme il existe des "feel-good movies", celui-ci est un "feel-good album".
Il s'écoute d'une traite, cul sec, à n'importe quel moment de la journée et arrive à faire sienne l'ambiance du moment.
Ce qu'on apprécie dans cet album, c'est le savant équilibre, ne tombant jamais dans trop d'électro ni dans trop de swing.
C'est une alternance dans la tonalité des chansons, mais aussi dans les choix de travail du son : certaines tracks possédant des batteries acoustiques là où d'autres ont des kicks beaucoup plus typés électro, par exemple. Il n'empêche, j'ai beau cherche du déchet, je n'en trouve pas. Le genre d'album dont on est content d'en avoir une copie.
Album à écouter: n'importe quand, à deux, pour des moments positifs.
Parfois, la plus belle
musique est celle des mots. Dans son roman, subtilement appelé
« Infini, l'histoire d'un moment », Gabriel Josipovici
nous parle de musique. Massimo était majordome d'un compositeur
excentrique : Tancredo Pavone. Massimo, sur ces pages, se
souvient des mots de Pavone, les relate avec une précision presque
comique. Ce n'est pas un roman qui se lit, mais un roman qui
s'écoute. Chaque citation fait écho à un artiste, à un album. Alors, voici ma relecture de l'Infini :
« Chaque son est
une sphère, disait-il. C'est une sphère, Massimo, et chaque sphère
a un centre. Le centre d'un son est le cœur du son. Il faut toujours
s'efforcer d'atteindre le cœur du son, a-t-il dit. Si on l'atteint,
on est un véritable musicien. »
Sarah Neufeld, the ridge
« Nous deviendrons
poussière, a-t-il dit, exactement de la même façon que la musique
qui n'est pas authentique ne tardera pas à se flétrir et à
mourir. »
The Fugees, The Score
« Le compositeur ne
vit pas dans le temps, il vit dans l'éternité. »
Nujabes,
Feather
« La musique est
devenue trop consciente au début du vingtième siècle, a-t-il dit,
il a été nécessaire de la faire revenir à ses racines dans
l'inconscient. »
Emancipator, Diamonds
« Bien entendu,
a-t-il dit, les scientifiques ont montré que le silence absolu
n'existe pas. Dans les pièces les mieux insonorisées du monde vous
entendrez le sang gronder dans vos artères et votre cœur battre
contre vos côtes. Mais c'est votre sang, Massimo, a-t-il dit, et
votre cœur. Là est la différence. »
Josefine
Cronholm & Ibis, Wild Garden
« Tout ce qui nous
entoure est une cause d'émerveillement, Massimo, a-t-il dit. Une
femme. Son coude. Son poignet. Un arbre. Ses feuilles. Leur odeur. Un
son. Un souvenir. Et la personne qui peut nous aider à nous
émerveiller est l'artiste. »
Ludovico Einaudi, Primavera
« Nous devons aller
aussi près que possible de l'orgasme sexuel, a-t-il dit, sans
permettre à la tension accumulée d'exploser (…). Cela doit être
recyclé, a-t-il dit, afin de permettre à l'excitation de circuler,
si besoin pour toujours. »
Nina Simone, Sinnerman
« Ceux qui
acceptent d'écouter ma musique, a-t-il dit, apprennent à écouter
ce qui n'est que son. Ils apprennent à écouter les résonances d'un
son, son cœur intérieur. »
S'il est un mouvement qui a participé pleinement à l’essor et la connaissance des micro-cultures diverses liées aux villes urbaines, c'est bien le Hip-Hop. Le Rap nous avait déjà fait voyager par le passé : on se rappelle de l'opposition West coast/East coast des années 2000, et quiconque a déjà écouté Dr. Dre ou Snoop-Dogg sait situer la Californie sur une carte. Dernièrement, dans ce mouvement, c'est le sous-genre nommé "Trap" qui domine. Ce genre, au sein du hip-hop, mêle des rythmes plus dansants, par leur nonchalance et leur volume de graves, à des mélodies diverses et des flows alliant le rythme, les rimes et le chant. Autant dire qu'il y a de quoi faire.
C'est du côté d'Atlanta que nos oreilles se tournent, avec l'association d'un rappeur et d'un beatmaker tous deux originaires de la ville : 21 Savage & Metro Boomin, qui signent ici un EP très bien tenu.
Les productions de Metro Boomin (qui produit pour Drake également) donnent le ton : c'est une ambiance minimale qui règne tout au long de l'EP, ça fait du bien, et c'est tout de même une performance à souligner ! La construction du projet permet une entrée en matière plutôt facile, malgré les deux premières pistes moins mélodieuses que les 7 qui viennent compléter ce petit cadeau de 9 tracks.
Coté son, je recommande d'écouter cet EP au casque, étant donné la quantité d'infrabasses, exception faite des personnes qui possèdent un caisson de basses!
Un EP à écouter : quand on aime la trap, pour découvrir la trap, en fond sonore, au casque, en soirée, la nuit, à deux.
Pleins phares sur une
fanfare de trois petits mecs. Un saxo, une trompette, des percussions
et une énergie. Dans leurs cuivres, se cache le démon de la danse,
une fièvre, une rage de vivre. Too Many Zooz est un groupe de
musique sauvage, primitive, qui saute à la gorge, qui prend au
corps. Leurs instruments se marrent parfois - éclats de rires en
laiton. Le groupe ne s'encombre pas avec les genres : ils
s'enroulent dans le hip-hop, se vautrent dans le jazz, jouent avec le
funk. Dans leurs rythmes on ressent la liberté, chacun de leur
souffle est un cri, de ceux sans honte qu'on lâche dans l'immensité
du vide. Revivons !
A écouter : pour ne plus réfléchir, pour bondir, respirer.
Milk & honey, de lait
et de miel, le chant d'Hollie Cook... La petite anglaise, fille des
Sex Pistols et de Culture Club, a choisi de détendre sa voix sur les
production dub de Prince Fatty. Murmure sexy, incantation, elle est
une sirène dans des eaux jamaïcaines, elle est ce miel - honey -
auquel on se colle la peau, dont on ne peut plus se défaire. Hollie
Cook féminise le reggae avec douceur, elle est la pluie fine qui
caresse les corps caniculaires. Chez elle, rien n'est forcé, son
chant est dense, mais jamais lourd, une fraîcheur lactée – milk-
qu'on prendrait au sein d'Hollie, bercé par son chant maternant,
rassurant.
A écouter : les étés moites,
sur la plage, sous le soleil exactement.
Il y a des albums qui, passée une certaine heure de la soirée, (ou plutôt lorsque la soirée laisse place à la nuit) assèchent mes réserves de métaphores comme le désert assèche lentement l'oasis. Et pourtant il est question d'océans ici plutôt que d'oasis, d'océans de fréquences, qui comme des petites gouttes d'eau sonores s'assemblent en un grand tout naturel ou comme les milliers de fils du métier a tisser donnent le tissu. Comme si chaque piste était comparée à une perle et que cet album formait donc un collier. Voilà, ma réserve d'analogies textuelles est vide, il est temps de passer à la présentation de ce bijou mêlant sons numériques et analogiques.
Il s'agit de musique électronique, soft, certes, loin des clichés que nos esprits aveugles associent aux genres musicaux en général, mais c'est indéniable : ce type d'album revêt une utilité, publique ou personnelle. Car celui-ci nous donne un accès direct au résultat : se sentir bien et surfer sur un océan d'émotions au gré des mélodies, le tout sans paroles, tout au plus quelques samples de voix. Et l'auteur dans tout ça ? Il est Français, originaire de Caen et s'appelle Gabriel Legeleux. Formé au percussions, Superpoze (son nom de scène) nous prend de court dans un album où les mélodies et les rythmes prennent un équilibre spatial.
Un album à savourer seul ou à deux, pour planer seul ou à deux, contempler seul ou à deux, de préférence en soirée ou la nuit, à écouter du début à la fin, un peu comme la discographie de l'artiste.
Comme du bluegrass épuré,
à quatre mains, Fits of reason commence... Les voix de MorganEve
Swain et de David Lamb
s'emballent, embrassent le tambourin effréné, le tourbillon des
guitares. Les voix se superposent en douces harmonies. Alors, ils
dévoilent leur folk gypsy, en forme d'incantation, absolument
envoûtante. Toute leur musique est sans aucune forme de prétention,
sincère – un diamant brut. Chaque instrument est à sa place, se
détache, se fait discret, pour enrober subtilement le chant du
couple. Le violoncelle habille les silences, les percussions
réveillent les corps, la guitare se fond en échos. Un album qui se
savoure comme une bonne bouteille, qu'il faut laisser décanter,
mûrir et glisser en vous.
A écouter : pour
danser dans les volutes de THC, au coin du feu ou pour accompagner
une nuit d'insomnie.
Il y a des projets qui font se sentir fort. Pas forcément des morceaux à écouter en faisant du sport, non, mais il existe des sons qui font se sentir invincible. Assez fort pour affronter la solitude. A l'image du mec dans le clip du premier titre de cet EP: "Falling Out". Il danse seul dans la rue, avec sa petite enceinte et sa musique, comme invincible face à l'humeur ambiante. "Falling Out" est composé par le duo londonien Otzeki, des cousins en passant, qui jusqu'à hier étaient totalement inconnus, et pour preuve : c'est de leur premier projet et de leur premier succès dont on parle. La couleur musicale du groupe joue sur les contrastes : des basse lourdes et affinées, des nappes qui rappellent la pop indé ou l'électro d'ambiance et des kicks ronds.Le tout dans une atmosphère minimaliste, laissant toute la place à la voix, et c'est un homme qui chante!
Un EP à savourer seul ou à deux, détaché des réalités, assez fort pour affronter l'inconnu.
Shaolin soul est plus qu'une compilation, c'est une bible, la bible du sample. Ce procédé chéri par les artistes de la scène musicale hip-hop, consistant à prélever l'échantillon d'un morceau pour le transformer, le boucler et en faire un tout autre son ; le sampling donc, touche de près la soul, le funk, les voix qui se déchirent et les trombones épiques. Le DJ français Uncle O est alors parti dans une exploration quasi-spéléologique de ces pépites samplées par les groupes mythiques du rap, le Wu-Tang en tête. Un bel hommage aux ancêtres groovy du mouvement hip-hop : les indispensables Syl Johnson et Al Green, mais aussi la beauté plus rare d'un Baby Huey (ep. 2) ou d'un Bobby Bland (ep. 3).
Preuve s'il en est que les rappeurs sont de sacrés chineurs et orfèvres du son. Sans ces "pilleurs" de la sacrée soul, je n'aurais jamais rencontré Millie Jackson, Cymande, Mayfield et sans les assemblages intelligents de Shaolin Soul, je n'aurais jamais croisé le chemin feutré d'une gypsy woman ou la voix sexy de Teddy Pendergrass.
Trois épisodes à savourer quand la nuit tombe, comme un retour nocturne aux fondamentaux.
Le dimanche, on traîne au lit puis sous le soleil. C'est toujours avec un peu de retard que nous publions cette playlist découverte, mais la voilà enfin, ICI.
Las Aves - Lioness Hasfinger - Out D
Dooz Kawa - Me faire la belle
Hazmat Modine - Most of all The Record Company - Rita Mae Young
Xixa - Bloodline
Laura Mvula - People Tiggs Da Author - Georgia
Jorge Ben - Take it easy my brother Charles
Message to bears - You are a memory Else - 1979 Ibeyi - Oya
Billie Holiday - Strange Fruit Scala & Kolacny Brothers - Creep SBTRKT - The Light
Quand c'est l'été, il fait chaud,
lourd. Un besoin d'air se fait sentir, sur les peau et dans les
esprits. Une odeur de vacances, des horizons différents, et surtout
un peu de fraîcheur dans les oreilles. Sauf qu'en musique, l'air
frais est aussi rare que lors d'un été caniculaire. C'est pourquoi
vous présenter le premier album studio de Marian Hill (vous
retrouverez la chronique du précédent EP "Sway" ici même)
est un petit rafraîchissement. La construction du "son" de
ce duo américain, originaire de Philadelphie, est un pur plaisir
tant leur productions sont épurées, claires à écouter.
Marian Hill, c'est un son aéré, des
kicks et des percussions se chargeant des fréquences graves et
infra, et quelques nappes pour accompagner ce bas du spectre imposant
mais toujours lisible. Les aigus, eux, sont quasiment laissés au
seul soin des percussions cuivrées, surplombant souvent, d'un
parfait petit ton, Samantha Gogol et sa voix.
De quoi faire bouger l'esprit et le
corps à la tombée de la nuit, au moment où la brise se lève.
Act One s'inscrit dans la continuité
des EP qui l'ont précédé, plus portés sur la rythmique que cet
album qui, bien que reposant lui aussi sur ses rythmes et
percussions, donne un sentiment d'équilibre et de force. Un p'tit
vent frais dans la musique electro/jazz, en somme.
Marian
Hill, ce n'est pas une femme. C'est un duo, un homme et une femme,
qui ne s'appellent ni Marian, ni Hill. Jeremy
Lloyd et Samantha Gogol
savent jouer des contrastes. Leur musique est minimaliste, toute
faite de claquements et de basses, sur lesquels chantent un saxophone
assez grave et la voix cristalline de Samantha. Ce son fait la part
belle au silence, assez fort pour que l'on distingue les
respirations, les souffles. Et c'est terriblement sexy sur Wasted et
son baiser sax. Et c'est envoûtant sur Lips et sa danse de
fréquences enlacées. Et c'est du jamais entendu sur Lovit et ses
basses comme des battements de cœur. Ils ont trouvé leur patte,
sincère ; leur plume, légère ; leur genre,
indéfinissable. Ce serait de l'électro avec des instruments et un
chant purs, un jazz du futur, du r'n'b égaré, une pop ultra classe.
C'est, en tout cas, la synthèse de deux talents en un seul nom, à
retenir : Marian Hill.
A
écouter quand la nuit tombe sur les corps cuivrés, quand les
étoiles scintillent dans un ciel tout noir. A écouter au calme,
dans un silence partagé.
Elle
est presque toujours là, comme un compagnon un peu collant, comme un
amant transi. Présence fascinante, drogue douce, addiction
inoffensive. Elle est là quand je me lève, elle me suit sur les
routes, elle accompagne mes lectures, mes soirées, elle se fait
discrète quand je travaille, mais reste, tout bas - mélodieux
secret. La musique.
Peu
à peu, elle est devenu besoin, presque aussi vitale que de boire ou
de chier. L'écouter est ce que je fais le plus dans la journée.
Tous les genres y passent. Tous les prétextes sont bons, mais pas
tous les albums... Et quitte à passer du temps dans mes oreilles,
autant que ce soit de la bonne came.
Alors
quand le jazz débordant d'énergie et de funk de The Comet is coming
a surgi pour en foutre partout d'apocalypse et de génie, mon
quotidien musical a sursauté. Plaqué contre le mur, le saxophone
possédé de Shabaka Hutchings lui a fait l'amour avec passion et
sauvagerie.
Dan
Leavers et Maxwell Hallett ont mis au monde un projet de
musique libre, à la fois profonde et extrêmement vive, de quoi
réveiller les morts, secouer la planète, l'exploser de son. Un
afro-funky-jazz sans précédent qui prouve qu'en musique, tout n'a
pas déjà été fait. Secouez votre quotidien !
Cette
chronique a une saveur particulière, un goût de neuf dans les
oreilles de ce blog.C'est
toujours le cas lorsqu'on aborde un style musical pour lequel on sait
qu'il va apparaître ici pour la première fois. Alors, pour marquer
le coup, il fallait remonter loin. Je vous propose 1962, car on sort
des albums de tous les styles, tous les jours, mais de la soul comme
en 1962, désolé mais on n'en fait plus !
Alors
bien sur, je ne parle pas de "qualité" sonore au sens
d'enregistrement, car on fait beaucoup mieux aujourd'hui, c'est
indéniable, mais de "qualité" humaine : il n'y a qu'à
regarder la carrière en dents de scie de l'artiste, un destin tout
aussi inégal, multipliant les chansons de légendes pour finalement
terminer aux oubliettes de l'histoire... ou sur ce blog.
Mais
n'attendons pas plus : Je parle de Gene Chandler et de son Album The
Duke of Earl, sorti en 1962. Venu de Chicago et du style doo-wop (me
demandez pas...), il est un de ces artistes ayant collaboré avec
Curtis Mayfield, Barbara Acklin, ou jerry Butler, ayant touché un
très large public, mais aujourd'hui un peu... disons passé. En fait
non. Cet album, fait de hits de l'époque et de reprises est une
petite mine d'or. De l'émotion avec l'orchestre et les cuivres ,
de l'humain avec des chœurs et la voix de Gene Chandler : voilà
comment on passe une soirée dans les sixties ! C'est beau
comme les sixties, c'est de la véritable soul, et pour en revenir à
l'intro: coté goût, c'est bon.
Elle
serait une Nina Simone venue d'Autriche, avec sa voix plutôt grave
et la profondeur d'un piano. Mais si elle a préféré Desireless à
Brel, elle n'en a pas moins de grandeur et de force. Sur Narrow, on
écoute, ému, les cris mélodieux d'un fantôme du passé. Noirceur
électronique. Quand Anja
Plaschg chante, ce sont des immeubles qui
s'écroulent, des larmes qui ravagent les joues, c'est la terre qui
gronde et explose. Sa voix enfonce le mur du son et sa musique
transperce le cœur.
Cet
album est hanté par la mort de son père, comme un nuage sombre
planant au dessus du piano mélancolique, au dessus de cette voix
abyssale unique. Narrow s'ouvre sur Vater, seul morceau dans sa
langue natale, dont la douceur des débuts se mue en un orage triste.
On croirait ne jamais pouvoir en sortir, puis les premiers mots
français de Voyage voyage nous rattrapent. Reprise déroutante
avec ce je ne sais quoi d'envoûtant. Soap&Skin parvient à
déshabiller ce tube de toute sa ringardise et lui offre une
somptueuse profondeur. Quelques chœurs se déposent sur Wonder,
comme une lueur dans la pénombre et alors Narrow se clôt sur des
nappes de violon à s'en noyer les yeux et sur un dernier morceau aux
allures de combat épique dans le brouillard, où tombent les coups et les tambours électroniques.
Il
est difficile de trouver le moment d'écoute idéal pour cet album
complexe. Il faut l'aborder comme une œuvre d'art, la contempler
dans le silence de la solitude.
Une playlist un peu tardive ce dimanche, mais toujours avec nos découvertes du moment : Du rock, de l'électro, de la chanson française, du rap américain et bien d'autres sont au programme. Et le programme, il est ICI
Parce que 5 à la semaine c'est aussi le mélange des genres, retrouvez du rap, du r'n'b, du classique, du jazz et de l'électro dans notre playlist du samedi ICI